Autrefois considéré comme un tissu traditionnel que les peuples de la forêt arboraient sous forme de cache-sexe, l’Obom est devenu, au fil des années, la tenue d’apparat des Chefs traditionnels des régions du Centre, du Sud et de l’Est du Cameroun voire du Nord du Gabon. Incursion dans la fabrique de l’Obom qui renoue avec l’éclat de ses couleurs ancestrales.
Scène de vie. Une cérémonie de mariage traditionnel dans une banlieue de Yaoundé, dans la région du Centre. Sous la tente dressée en matériaux locaux provisoires (des palmes et quelques feuilles de raphia), siègent les chefs traditionnels, reconnaissables à leur tenue d’apparat que rehaussent des coupons soigneusement ciselés d’Obom. L’assortiment ne passe pas inaperçu. Autre lieu, autre vitrine. A l’autre bout de l’avenue Kennedy à Yaoundé, au carrefour dit « Intendance », se dresse, sur le coteau, le centre international de l’artisanat de Yaoundé. Et, non loin de là, au quartier Elig Essono à Yaoundé, se laisse découvrir le Musée ethnographique des peuples de la forêt d’Afrique Centrale. Ici et là, sur les étals, l’Obom s’offre dans tous ses états et à tous les étages, à l’œil du visiteur intéressé. Au sortir de ces espaces de culture traditionnelle, une seule idée hante les esprits et sédimente les convictions. Les Chefs traditionnels Beti se sont remis à la mode ancestrale du port de l’Obom ; pas nécessairement pour les besoins de pudeur et de bien-paraître en public comme à l’époque ancienne où l’Obom servait de cache-sexe, mais pour redonner des couleurs à des valeurs ancestrales dont on redoutait la disparition, et conserver les repères ancestraux. Pour les férus de la mode rétro, ajustée au dé des stylistes modernes, l’originalité du tissu Obom retrouve grâce auprès des modélistes concepteurs, lors des défilés de mode et autres spectacles d’exhibition grand public. Les créateurs de mode et les stylistes recrutent également leur clientèle parmi les jeunes futurs mariés qui souhaitent valoriser leur culture Ekang. Des tenues à base d’Obom sont ainsi réalisées à la commande et sur mesure.
Si la belle histoire vous était contée…
Dans la tradition Fang-Beti, l’Obom vient de « bom ». En langue Beti, en l’occurrence l’éwondo, la syllabe signifie « taper » ou « battre ». Obtenu à base de fibres d’écorces d’arbres, le tissu Obom peut provenir de différentes essences. Dans la zone éwondo, région du Centre, trois arbres souples, encore appelés « ngal ilé » sont recommandés. Il s’agit de l’Aloa, de l’Ayos ou de l’Avouam. Le processus de fabrication de l’Obom est purement artisanal et se fait en plusieurs étapes.
Étape 1 : le choix de l’arbre. Après avoir choisi l’arbre, on le tronçonne et on le décape pour en conserver l’écorce. Le décapage s’effectue à l’aide d’un marteau spécifique et traditionnel appelé « Fendé ». Le travail est fait avec minutie et nécessite patience et endurance. L’objectif est de rendre l’écorce complètement lisse.
Étape 2 : la forme du tissu et la confection du vêtement. Une fois lisse, l’écorce est trempée dans l’eau pendant quelques jours, puis elle est séchée à une température plus ou moins chaude. Selon le modèle souhaité, la confection du vêtement peut commencer. Selon la couture traditionnelle, aucun accessoire n’est recommandé. C’est l’Obom pur ! Mais, avec l’évolution de la mode, les fabricants d’Obom font recours à des accessoires tels que les jeunes fruits de raphia, les écailles de pangolin ou encore les résidus des bambous de Chine dans le but d’embellir l’Obom.
Résilience
L’Obom a su résister au temps. Depuis l’époque ancestrale, les peuples de la forêt sont restés attachés à cette étoffe des origines. Aujourd’hui, les chefs traditionnels ou les personnes investies d’un pouvoir traditionnel ne manquent pas l’occasion de l’arborer lors des circonstances particulières. Objectif proclamé : affirmer son ancrage à la culture Ekang.
A l’achat, le prix de l’Obom reste élevé du fait de sa rareté et de son processus de fabrication assez contraignant. Selon les besoins, le prix fixé par l’artisan varie suivant que l’Obom est destiné à la réalisation des tenues à offrir aux garants de la tradition ou simplement à la pérennisation d’un bien culturel ancestral. Il faut connaître les circuits traditionnels généralement occultes pour l’acquérir. Aussi les prix se donnent-ils après d’âpres discussions. Encore faut-il parvenir à convaincre le vendeur. L’Obom veut encore préserver ses secrets ancestraux. L’Obom « pur » s’obtiendrait néanmoins au prix coûtant pouvant varier entre 75 000 et 200 000 francs CFA. Avec des accessoires comme les tissus panthère ou le raphia, on peut en trouver à 35 000 francs CFA.
Malgré les substitutions et autres manipulations qui commencent à faire jour du fait de l’imagination des créateurs de mode, l’Obom garde toute sa valeur authentique et toute sa grandeur dans les cœurs des peuples Fang-Beti. Il demeure un bien culturel à préserver.
BEMS