Port de transit des esclaves vers les Amériques entre le 16è et le 19è siècle, Bimbia, dans la région du Sud-Ouest, affine son dossier en vue de son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Seulement voilà, la reconstitution des scènes de vie, l’indisponibilité des vestiges, font problème et peuvent durablement retarder l’aboutissement du projet. Voici une tentative de reconstitution du puzzle.
En territoire camerounais, la route des esclaves serpentait les centres de trafic de Kom, Mankon, Bali, Tinto, Fontem, Bamendjida, Batcham, Bandjoun, Foumban, Bana, Bangou, Yabassi, Kamna, Wouri, pour les plus connus. Pour les experts, le port de transit des bateaux négriers que fut Bimbia, conserve encore des vestiges matériels et physiques marquant la présence de la traite négrière sur le site. Bamendjida, retenu comme l’un des sites associés, constitue à cet effet un atout majeur. Son musée dédié à l’esclavage pourrait en effet offrir quelques clés de reconstitution. On y trouve encore des vestiges authentiques comme des chaines en fer et des armes des négriers de l’époque. A contrario, les vestiges matériels se font rares voire inexistants sur nombre d’autres sites associés, répartis dans les régions du Sud-Ouest, du Littoral et de l’Ouest.
Il faut pourtant sauver la cause du soldat négrier inconnu. Sa tombe est bel et bien ici, à Bimbia. Sa situation géographique dans la région du Sud-Ouest Cameroun, au Sud-Est de la ville de Limbé, ainsi que ses origines médiévales sont autant d’atouts à mettre à l’actif de ce site historique.
La tradition renseigne que vers l’An 1500 de notre ère, des migrants Isoubou se seraient installés dans la baie d’Ambas, d’où la grosse trouvaille ambazonienne, sous la conduite de leur chef, MBIMBI, dont est issu le toponyme BIMBIA. Son positionnement au fond du Golfe de Guinée a très vite fait de Bimbia un haut lieu de contact avec les Européens dans le cadre du commerce maritime et plus tard, un comptoir négrier par lequel sont passés des millions d’Africains de l’intérieur pour un voyage sans retour vers la « Terre Promise », les Amériques !
Contemporain au port de Douala, Bimbia émerge après la chute du célèbre port de Rio del Rey dans le Ndian. Après l’estuaire du Wouri, la cité de Bimbia fut le second centre le plus actif sur la côte camerounaise. Elle connut une intense activité d’exploitation d’esclaves entre 1760 et 1841. Environ 40 000 esclaves de l’hinterland, vendus et embarqués, sans compter les décès occasionnés par l’activité, auraient transité par Bimbia.
Les archives du port de Douala devraient aider à la reconstitution des faits historiques. Ceci pouvant expliquer cela et sans épuiser la somme des motivations de la noble initiative : le Port Autonome de Douala (PAD) vient de signer avec les Archives Nationales du Cameroun (ANC) -service rattaché au Ministère des Arts et de la Culture (MINAC)- une convention-cadre d’assistance technique dans la mise en place du Programme de gestion de l’information documentaire au PAD. Sa vision se confond avec son ambition : devenir un port de référence dans le Golfe de Guinée. Une nouvelle page vient ainsi de s’ouvrir dans l’histoire en marche de l’institution portuaire.
L’urgence est à la reconstitution de notre passé commun pour mieux gérer dès aujourd’hui notre futur collectif. C’est un devoir de mémoire. Ainsi, se construit l’histoire des Nations. Ainsi, s’écrira celle de Bimbia.
Avec le concours de tous et de chacun dans la collecte des données disponibles, Bimbia, au Cameroun, sera consigné dans les annales de l’UNESCO, le cœur de conservation et de promotion du patrimoine mondial en matière de Science et de Culture. À l’instar de l’île de Gorée au Sénégal, déjà inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, et devenue un haut lieu de tourisme et une niche de devises pour ce pays frère.
En mai 2021, une commission d’experts de l’UNESCO avait sillonné la côte Atlantique et son hinterland camerounais, à la recherche des rares vestiges au monde à porter encore les traces du commerce des esclaves. Sur bien des sites associés au projet de reconstitution de la mémoire historique de Bimbia, il s’est posé le problème de déficit d’archivage, faisant remonter des catacombes le devoir de mémoire et l’urgence de reconstitution des sources de l’histoire commune. Les recherches se poursuivent et se consolident au fil des jours.
NKOGOM