Dans le département du Mayo-Danay, région de l’Extrême-Nord, les cases en obus de Mourla ou « Teuleuk » en langue locale, constituent l’un des chefs-d’œuvre du patrimoine local. La reconstruction de ces admirables habitations coniques sous forme d’obus dans le village Mourla par l’association française « Patrimoine sans frontières », en partenariat avec l’UNESCO, a dévoilé au grand jour la singularité de la créativité architecturale chez les Mousgoum.
Sur le site de Mourla, depuis plus de deux décennies, les visiteurs sont éblouis par la reconstitution originelle de l’habitat traditionnel du peuple Mousgoum par « Patrimoine sans frontières ». Composé de cinq (05) cases en obus, ce site force l’admiration et le respect parce qu’il s’agit de cases qui avaient disparu au cours des années 1970. Ses cases dont la renommée dépasse aujourd’hui les frontières nationales sont en effet une véritable représentation du savoir-faire ancestral et du patrimoine culturel Mousgoum. Touristes nationaux et internationaux sont fascinés par ces habitations en obus conçues dans la boue et séchées au soleil qui forment une silhouette pittoresque unique en son genre.
« Aujourd’hui, les cases en obus ont quasiment disparu au profit des cases rondes ordinaires parce qu’elles nécessitent beaucoup d’entretien. Il a fallu demander une aide à l’ONG « Patrimoine sans frontière » pour financer et organiser la reconstruction des cinq cases en obus dont on s’enorgueillit aujourd’hui ici à Mourla. Quelques patriarches du village ont été sollicités pour montrer et expliquer cette technologie aux générations futures. Ainsi, plus de dix jeunes ont été formés et ces anciens ont transmis les techniques et leur savoir-faire aux plus jeunes. Il s’agit de faciliter la reproduction des cases en obus sur le site actuel de Mourla comme aux temps anciens. L’édification sur ce site a commencé en octobre 1996 et s’est achevée en avril 1997, soit six mois pour livrer les travaux. A ce jour, le site a plus de 25 ans d’existence», précise Joseph Diri, gardien et guide du site touristique de Mourla.
Les cases en obus représentent aujourd’hui à la fois le savoir-faire et l’art architectural typique du peuple Mousgoum car la case en obus Mousgoum1 ne ressemble à aucune autre. Sa beauté si parfaite parait toute naturelle. La pureté des lignes et courbes qui ne s’interrompt point -de la base au sommet- s’achève par une ouverture circulaire, par où seulement l’intérieur de la case prend jour. Faite à la main comme un vase, la construction de la case en obus Mousgoum est un travail de potier et non de maçon. Selon Joseph Diri, le guide le plus expérimenté du village, « les principes de construction et la manière dont sont organisées les cases sont uniques sur ce site, il y a au total cinq cases en obus. Une pour le chef de famille, deux pour les deux épouses, une pour la cuisine commune aux deux femmes. Il y a une autre case qui n’a pas de porte sur la cour ; elle est appelée en Mousgoum « Amlekata ». Elle est reliée à la case de la première femme par un passage secret que l’homme Mousgoum appelle « dedaim », destiné à protéger les biens précieux appartenant à la famille, tels que les armes, les objets de culte etc. En ces temps, il faut dire que l’homme Mousgoum était animiste. Quant à celle qui n’a pas de porte, elle constitue un endroit stratégique de défense ». Conscient de l’intérêt de son interlocuteur, le guide poursuit : « à cette époque-là, il y avait des guerres tribales ou ethniques. Lorsque le groupe ethnique était menacé, cette case servait de refuge précisément. Au centre se trouve aussi un grenier pour stocker les vivres parce que le peuple Mousgoum mène spécifiquement les activités d’agriculture, de pêche et d’élevage. Et la particularité de chaque case, c’est qu’elle dispose d’une corde à l’intérieur pour faciliter l’ascension sur la case, car elle met aussi la personne en sécurité lorsqu’elle gravit l’édifice. Et à l’extérieur du site se trouve l’arbre à palabre, aménagé avec des sièges en terre », explique Joseph Diri, non sans passion.
Ce qui est surtout remarquable, c’est l’absence de fondation ou d’armature pour soutenir ces gigantesques cases entièrement construites en terre battue. Josep Diri précise : « on ne choisit pas la terre au hasard. On utilise de l’argile mélangé à la paille ; et c’est en réalité cela qui fait la solidité de ces cases. Lors de la construction des cases en obus, on piétine la paille puis on mélange le tout avec l’argile. On laisse pourrir tout cela pendant deux ou trois jours. Le constructeur prend tout son temps et travaille avec habileté. Et c’est la femme qui prend le soin de décorer l’intérieur de la case en obus avec des dessins sur les murs pour la rendre plus belle. La cuisine et la case du mari n’ont toutefois aucune décoration.»
A l’intérieur de ces cases en obus règne une fraîcheur frappante lorsqu’on arrive de l’extérieur. Pour atteindre ce résultat impressionnant, les matériaux locaux ont été mis à contribution.
Cette représentation de l’habitation typique du peuple Mousgoum à Mourla est un joyau architectural devenu surtout une curiosité touristique qui, depuis plusieurs années, draine bon nombre de touristes nationaux et internationaux sur ce site ouvert aux visiteurs en toute saison.
KEZA VONDOU
Pour se rendre à Ako’kass, il faut emprunter la route nationale numéro 2. Sur la route d’Ambam, dix (10) km après Ebolowa, prendre à droite, au Carrefour Nkoevonne. Ako’Kas se trouve sur cet axe à moitié bitumé, après Nkolandom.