Les Secrets du Ngouon
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Le Ngouon a traversé plusieurs âges, il amorce sa reconnaissance comme patrimoine mondial  immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Immersion dans les dédales d’une célébration rituelle, cultuelle et culturelle du peuple Bamoun, à l’ouest du Cameroun pour en découvrir les origines, le déroulé et les secrets.

1395 ! Cette année-là est célébré pour la première fois, le Ngouon, à l’initiative  du très charismatique Sultan, Roi Nchare Yen, le tout premier Monarque, fondateur du Royaume Bamoun. Aujourd’hui, le Ngouon est devenu l’une des plus importantes rencontres culturelles, artistiques et touristiques au Cameroun et en Afrique, grâce au dynamisme d’un peuple qui est resté attaché à ses valeurs ancestrales. Après huit siècles d’histoire, le Ngouon a su garder toute sa splendeur.

Le vénérable Nshare Yen, fondateur du royaume Bamoun en 1394, grand héros de l’histoire, a institué au sein de la nouvelle communauté la pratique culturelle du Nguon. Signe royal de Rifum qu’il a hérité de ses ancêtres. D’après les historiens, ce grand rendez-vous de mobilisation populaire, rituelle et culturelle est célébré pour marquer la saison des récoltes et d’autres aspects multifonctionnels.

Ordre traditionnel. Le Ngouon est une immense société secrète qui dispose de 138 unités disséminées à travers le territoire du royaume Bamoun. Le Nguon est à la fois une assise politique avec une démonstration de la liberté d’expression, au cours de laquelle le roi est jugé. Lorsque le roi convoque le Ngouon, les  « Nfon Na Ngouon  » qui sont une sorte des députés de la nation Bamoun, recueillent les préoccupations des populations en rapport avec la gouvernance ; procède au jugement public du roi. Si après évaluation, il ressort que le bilan de la gouvernance du roi est favorable, le roi des Bamoun est rétabli sur son trône. Mais, s’il advient que cette évaluation soit défavorable, alors le roi est déposé, et il est purement et simplement  remplacé. Le roi est jugé par les  « Nfon Na Ngouon ». C’est une société secrète constituée des juges et d’une sorte de députés de la nation Bamoun.

Organisation  mystique. Le Sultan Roi est le grand maître des écoles mystiques de la fraternité  Bamoun. Il est censé régner sur l’environnement mystique du royaume. C’est pour cela que les grands prêtres et érudits de la cosmogonie Bamoun aiment à dire qu’Il est « inadmissible que dans un coin, un habitant est en sa possession un aspect magico-religieux qui échappe à la puissance du roi ». A la faveur du Ngouon, le roi   en sa qualité de grand Maître, procède à la fouille systématique de tous les sacs pour s’approprier tous les éléments de pouvoir qui existent dans son Royaume.

Fête de récoltes. C’est un grand moment de mise en vitrine des trésors du terroir.

Les participants au Ngouon apportent les éléments de production : les forgerons viennent avec les outils fabriqués, les agriculteurs avec du maïs, de l’huile de palme… Ce qui permet au roi des Bamoun d’avoir une idée de la santé économique du royaume. Le roi procède à une redistribution des produits. Des réserves sont constituées au palais pour prévenir le temps de famine.

Le Nguon, événement festif et célébratif, grand moment rituel et culturel ayant inscrit, en lettres de noblesse, sa notoriété dans le temps et dans l’espace, est en voie de figurer sur la liste des biens culturels immatériels de l’humanité. Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya, 19e roi de la dynastie des Nshare Yen, aura travaillé pendant son règne (1992 à 2021), à faire prospérer le dossier auprès de l’UNESCO.

Le Ngouon qui se tient tous les deux ans, a attiré du beau monde, soit quelque 300 000 visiteurs venus des quatre coins du globe, lors de l’édition 2018. Chacun a pu toucher du doigt le riche patrimoine d’un peuple qui garde son identité sans pour autant tourner le dos à la modernité.

 

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La fiche technique du biennal de Foumban

Le Nguon est un festival biennal. Il est célébré entre novembre et décembre. Les activités commencent toujours le vendredi soir pour s’achever le dimanche matin.

Le Nguon dure trois jours. L'affiche des festivités en dit long sur le contenu de l'événement. Dans la programmation sont prévues des danses traditionnelles, des cérémonies rituelles,  les soirées gastronomiques qui mettent en vitrine les savoureux plats bamoun.

Le calendrier des festivités tient en trois principales articulations :

Le vendredi soir

Au début de la célébration, toutes les lumières (intérieures et extérieures) du palais du Roi Bamoun sont éteintes. Dans l’obscurité, les possesseurs du Nguon (société secrète) font leur entrée dans la cours du palais en jouant aux tambours. Les lumières ne sont allumées qu’après l’entrée du dernier possesseur du Ngouon dans la salle.

A minuit, le Roi rend visite aux possesseurs du Ngouon. Ils l’entretiennent des problèmes, des plaintes du peuple bamoun dont l’annonce publique sera faite le lendemain matin. Après le briefing, ils passent la nuit au palais en jouant à leurs instruments de musique et en dansant.

Le samedi :

Le matin, les possesseurs du Ngouon commencent par faire le tour du palais. Ils visitent les résidences des reines en demandant l’aumône. Ils se rendent ensuite à la cours principale du palais pour participer à la cérémonie rituelle du Sha’pam, où le Roi s'approprie toutes les forces et tous les pouvoirs mystiques de son terroir.

Puis le Roi se rend à la cour des Balafons pour attendre le jugement du peuple et la sentence  des membres de la société secrète  Si son magistère a été bénéfique et  profitable au Royaume durant les deux dernières années, le Roi est reconduit sur son trône.

Si le jugement est défavorable, alors il est destitué.

L'hommage est rendu aux ancêtres par le sacrifice d'un Mouton . C'est un acte  symbolique et cultuel  pour sceller les conventions sacrées et marquer la fin des cérémonies rituelles.

Dimanche :

Au 1er chant du coq, aux environs de 4 heures, le  NKINDI, majestueux Tamtam du Royaume bamoun raisonne. C'est la voix du Roi. Il est joué pour appeler le peuple à la mobilisation sur la place des Balafons. Les populations, les forgerons, les chasseurs et les guerriers se dirigent, toutes affaires cessantes, à la cour du Dja, arborant leurs tenues de guerre assorties des différentes armes.

Quelques instants après, ils seront rejoints par le Roi qui va taire une déclaration solennelle avant d'entreprendre une expédition aux frontières du Royaume, notamment la porte des tranchées de Foumban. Par cet acte   symbolique, le Roi, chef des armées, envoie les troupes au front.

Au bout de 3 heures de cérémonie, le Roi, entouré de sa cour, retourne à la place des Balafons. Sur le trajet, des chants de victoire sont exécutés. Les guerriers exultent avec tout le peuple pour célébrer avec une fleur sur le bout de la lance, le trophée de guerre.

Ce carnaval met un terme à l'édition du Ngouon.

 

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